Garantir la pérennité d’une infrastructure FTTH optique

Réseaux télécoms & FTTH

Durée de vie d’une infrastructure optique : pérennité des câbles optiques

 

Un réseau optique peut être caractérisé selon 4 couches superposées: la couche logiciels & services numériques, les éléments électroniques et optoélectroniques actifs, les infrastructures optiques passives et enfin les travaux de génie civil.

Espérance de vie des infrastructure optiques passive

Chacune de ces couches a une durée de vie qui lui est propre. En général, la couche « logiciels et services » à la durée de vie la plus courte car régulièrement remplacée par de nouveaux services, plus performants. La couche des infrastructures optiques, et encore plus celle du génie civile, sont celles qui doivent avoir la durée de vie la plus longue. Elles devront en effet pouvoir supporter bon nombre de générations d’équipements actifs.

Le présent article adresse les enjeux liés à la couche des infrastructures optiques, notamment au choix des fibres optiques et à la qualité des câbles optiques, pour assurer la pérennité du réseau.

En premier lieu, il s’agit de distinguer les applications réseaux longue distance (dites « long haul ») et celles pour les réseaux d’accès FTTx. Les applications longue distance font appel à des câbles et systèmes peu évolutifs et reposent sur des réseaux « statiques » . À l’inverse, les applications FTTx sont soumises à de nombreuses contraintes et interventions du fait de l’évolutivité du réseau. Notamment, ces réseaux subissent des interventions liées à de nouveaux raccordements et déploiements au cours du temps.

Afin de disposer d’une infrastructure optique pérenne, deux critères de fiabilité des fibres et câbles optiques sont à mettre en exergue : 

  • La fiabilité optique
  • La fiabilité mécanique

Comme décrit dans la publication sur les réseaux optiques aériens, ces deux critères s’appliquent à n’importe quel type de réseau optique (aérien, souterrain, en conduite, pleine terre, intérieur…)

La fiabilité optique

La fiabilité optique correspond à la préservation de la qualité de la transmission optique durant la durée de vie du réseau soit plusieurs décennies. Il est nécessaire de conserver, tout au long de la vie du réseau FTTx, un niveau d’atténuation en deça d’un seuil maximum.

Pour assurer son bon fonctionnement, l’atténuation d’un lien optique ne doit pas dépasser, au cours de sa durée de vie, le budget optique maximum qui lui est alloué par les équipements opto-électroniques utilisés.  Au gré des contraintes environnementales (climatiques, mécaniques) et des interventions, l’atténuation optique aura tendance à augmenter. C’est donc en garantissant la maîtrise de l’atténuation optique, que l’on atteint une fiabilité optique et un réseau optique pérenne.

Rayon de courbure: les effets des macro-courbures

Une courbure est dite macro lorsque son rayon se situe entre 2 et 25mm (Pour plus d'informations sur les micro et macro courbures cliquez ici pour voir notre précédente publication) .

Les fibres ne sont pas toutes sensibles de la même manière à ces macro-courbures. Moins elles sont sensibles, moins le câble optique le sera aussi, et plus le bilan de liaison pourra être garanti.

La normalisation internationale décrit les différents types de fibres, parmi lesquelles on retrouve notamment les fibres monomodes G.652.x et G.657.x. Les fibres G.652.D, historiquement déployées dans les réseaux longue distance, sont compatibles avec les fibres nouvelle génération dites insensibles aux courbures de type G.657.A1/A2, mais incompatibles avec les fibres G.657.B2/B3.

Rayons de courbures minimums selon le type de fibres

Le visuel ci-contre spécifie les rayons de courbures minimums de chacun des types de fibres optiques conformément aux normes internationales.

Le rayon de courbure mis en œuvre dans les contenants ne doit pas être trop petit (proche de 5 mm) car cela peut causer un vieillissement prématuré et augmenter la probabilité de casse de la fibre.Même si la fibre G.657.B3 présente la meilleure insensibilité aux courbures, son risque de rupture en cas de rayon de courbure très faible peut la rendre inadaptée pour les applications visées. Les fibres G.657.A2 et G.657.A1 sont le bon compromis pour la protection du budget optique dans le temps. Elles sont suffisamment sensibles pour permettre de détecter des rayons de courbures très faibles par réflectomètre optique ou OTDR (Optical Time Domain Reflectometer), tout en permettant une mise en oeuvre aisée dans des contenants de petites dimensions compte tenu des faibles rayons de courbures qu’elles supportent.

 

  • Le lovage (ou enroulement)

Le lovage (ou enroulement) des fibres et/ou modules de fibres est une pratique qui peut, elle aussi, avoir un effet d’atténuation à durée limitée sur la fibre, dite transitoire. En effet, dans les boîtiers la fibre est lovée (enroulée) ce qui peut créer une variation d’atténuation, au cours de sa manipulation, selon le type de fibres.

Premier test:

Conditions du test:

  • Ouverture d’un boîtier d’épissurage
  • Extraction de 2 modules (simulation piquage)
  • Remise en place du boîtier d’épissure dans la chambre de génie civil

Visuel de test dans un boitier d'épissurage                                                               Visuel d'un test de lovage dans un boitier d'épissurage

Bilan:

On observe sur les mesures réflectométriques une forte différence en ce qui concerne le comportement des deux types de fibre lors de cette manipulation. La fibre G.652.D présente un pic transitoire d’atténuation à -1.2dB quand la fibre G.657.A2 montre des variations très faibles de l’ordre de 0.1 dB.

 

Second test:

Conditions du test:

  • Personnel en chambre de génie civil
  • Lovage du câble dans le contenant (chambre)
  • Boîtier déposé dans la chambre 
  • Manipulation du boîtier hors de la chambre (rotation de plusieurs tours)
  • Torsion sur les câbles (en sortie de boîtier)  
  • Les mesures sont réalisées simultanément sur les deux types de fibres au cours d’un même essai

 

Visuel d'un test de lovage en chambre                                                           Visuel d'un test de lovage en chambre

 

Bilan :

La G.657.A2 ne présente aucune variation d’atténuation au cours des essais tandis que les fibres G.652.D dépassent des valeurs de 0.2dB dans le même câble soumis aux mêmes contraintes.

Pouce vert : Recommandations

Recommandation:

La fibre G.657.A2 présente de forts avantages pour les infrastructures évolutives telles que le FttH. Elle présente une résilience forte vis-à-vis des interventions sur un réseau en fonctionnement, garantissant ainsi une fiabilité optique.

Comportement aux micro-courbures

Une courbure est dite micro lorsque son rayon est inférieur à 1mm, par exemple, une fibre pincée, ou une granularité appuyant sur la fibre lors d’un écrasement.

Les caractéristiques intrinsèques des fibres G.657.A1 et G.657.A2 leur procurent également une forte insensibilité aux micro-courbures. Les essais ci-dessous montrent que cette insensibilité aux micro-courbures rend le câble plus robuste par rapport aux agressions de son environnement, notamment en compression. Cette caractéristique est également très importante pour garantir des interventions sur un réseau en fonctionnement.

  • Contraintes d’écrasement

L’écrasement est une contrainte liée à l’environnement des câbles et fibres optiques: lors de l’installation ou de la maintenance du réseau, un câble peut connaître un écrasement lié à l’intervention du personnel, une évolution du génie civil, un affaissement de terrain, ou de la compression dans les pinces d’ancrage aériennes, cette dernière évoluant au cours du temps en fonction des évènements climatiques. Ces évènements peuvent créer une atténuation réversible ou définitive.

Le graphique ci-dessous montre les effets sur l’atténuation d’un câble étalon écrasé avec des fibres G.652.D et G.657.A2.

 

Graphique des résultats d'un test d'écrasement

 

Bilan :

Ainsi, sous contrainte d’écrasement, le câble contenant la fibre G.652.D génère approximativement 5 fois plus d’atténuation que le câble contenant de la fibre G.657.A2.

Pouce vert : Recommandations

Recommandation:

La résistance à l’écrasement des câbles utilisant la fibre G.657.Ax doit être conforme à la norme IEC 60794-1121 pour assurer la fiabilité de la liaison optique des réseaux FTTH.

La fiabilité mécanique

La fiabilité mécanique se caractérise par la résistance à la rupture de la fibre durant sa durée d’exploitation. La principale cause de rupture d’une fibre est liée à son élongation. En effet, l’étirement de la fibre provoque des propagations des modes de défaillances du verre (fissures) et augmente la probabilité de rupture.

La traction

La fibre optique est un support de transmission en silice de 125µm de diamètre seulement, et donc très fragile. La conception d'un câble à fibres optiques est guidée par la nécessité absolue de limiter l'élongation des fibres car celle-ci a un impact direct sur la fiabilité mécanique et donc sur la durée de vie du lien optique. Une fois en câble, l’élongation permanente de la fibre doit être inférieure à 0,3% et doit être réversible. La fibre peut subir une élongation plus forte, mais elle doit être ponctuelle et réversible.

Le tableau ci-dessous donne des probabilités de casses de la fibre cablée en fonction de son élongation:

Tableau de probabilités de taux de casse de la fibre en fonction de son élongation

 Source: Données de l'IEC TR 62048

Une contrainte de traction peut s’exercer sur les câbles lors de l’installation, notamment en conduite. Les câbles en conduite sont en tension maximale (Tm) lors de la pose (installation) mais de façon générale le câble sera lâche en phase opérationnelle. Inversement, pour les câbles aériens une traction s’exerce lors de la pose mais une traction opérationnelle permanente est présente. Qui plus est dans le cas des câbles aériens, les évènements climatiques provoquent des tractions qui peuvent atteindre les valeurs maximales autorisées en fonctionnement. Afin d’éviter que des tractions excessives créent des dommages mécaniques aux fibres, synonymes de vieillissement prématuré, il est nécessaire de prêter attention à cette traction maximale non permanente (Tm).

 Valeurs de résistance à la traction des câbles ACOME :

Résistance à la traction des câbles en conduiteRésistance à la traction des câbles en aérien

Selon la norme XP C93850-3-25 et en conformité avec les recommandations de l’ARCEP, à l’effort à traction maximale non permanente autorisée, les câbles en conduite ne peuvent dépasser les sanctions d’allongement et de variation d’affaiblissement définies dans le tableau 1. Les câbles aériens ne doivent pas dépasser la traction maximale non permanente autorisée pour les conditions de pose et les évènements climatiques pour lesquels ils sont conçus. Les données du tableau 2 correspondent aux valeurs spécifiées pour garantir une durée de vie maximale.

Si ces valeurs ne sont pas respectées, des micro-fissures apparaissent sur la fibre optique qui entraîneront une augmentation de la probabilité de la cassure d’une fibre et donc une diminution de la durée de vie du réseau. (Pour davantage d’informations voir IEC TR 62048).

Pouce vert : Recommandations

Recommandation:

 

La conformité aux normes françaises est un strict minimum pour garantir la fiabilité mécanique des câbles optiques (XP C93850-3-25 pour un câble aérien, XP C93850-3-22 pour un câble de branchement aérien, XP C93850-6-22 pour un câble de branchement mixte intérieur/extérieur).

Exigez de vos fournisseurs les tensions maximales (ponctuelle acceptable et en fonctionnement) ainsi que l’allongement fibre associé.

Europacable a rédigé un document qui permet de retrouver ces informations dans la fiche technique du câble. (Pour davantage d'informations voir la publication Europacable).

Étanchéité et pénétration d’eau

Les câbles optiques peuvent se trouver en présence d’eau, soit dans le cas où leur gaine extérieure est endommagée soit dans le cas où une extrémité est raccordée sur un dispositif non étanche. Si ces câbles ne disposent pas d’une étanchéité longitudinale qualitative, la présence d’eau peut alors accélérer le vieillissement des fibres d’un point de vue mécanique et favoriser une casse de la fibre. Il s’agit d’un phénomène de corrosion hors contrainte, la présence d’eau favorisant la croissance des micro-fissures présentes dans la fibre.

La norme internationale IEC 60794-1-22 décrit la méthode à suivre et indique une sanction de 24h avant pénétration d’eau dans le câble. Les normes NF-EN 60794-1-22 Méthode F5B sont plus sévères à cet égard et indiquent une sanction de 168h avant pénétration de l’eau.

Conclusion

La fibre a une bande passante de transmission très élevée, mais est aussi très fragile. Le câble a pour fonction de protéger la fibre optique d’un point de vue mécanique, c’est-à-dire éviter la rupture de la fibre, tout en assurant la fiabilité optique de la liaison, c’est-à-dire éviter une atténuation significative irréversible. L’ingénierie des câbles optiques doit ainsi répondre à des exigences strictes pour garantir une fiabilité optique et mécanique afin de rendre le réseau FTTH résilient aux évènements climatiques et aux interventions durant son exploitation.